Comment écrire l’Indicible ? C’est ce que l’on demande à Brodeck – rescapé des camps de la Mort – après un crime cathartique commis par l’ensemble des habitants d’un village perdu en pleine nature sur un étranger de passage. Que s’est-il passé ? Qu’a donc fait cet homme pour attirer sur lui la vindicte populaire ? On ne l’apprendra qu’à la fin.
La nature est âpre, hostile et sauvage autant que les hommes. On s’épie, on se surveille. Les gens vaquent comme des somnambules et se comportent comme des damnés. Et peut-être le sont-ils.
La force de Manu Larcenet réside dans sa manière de saisir les silences sur les visages. Les rides, les grimaces, l’inquiétude … Tout est dit sans une bulle. Il en va de même pour les magnifiques décors endormis sous la neige. On croise des renards, des rapaces et autres animaux craintifs. Des parenthèses bienvenues face à la bestialité des hommes.
Il y a des œuvres qui m’ont totalement retournée puis hantée … Le rapport de Brodeck entre dans cette catégorie-là. Pourtant, je connaissais déjà la fragilité – voire même la part d’ombre – de Manu Larcenet que l’on effleurait dans Le combat ordinaire et que l’on se prenait de plein fouet dans Blast. Avec le rapport de Brodeck, le sublime côtoie le terrible. Il faut croire que le roman de Philippe Claudel était pour lui.
Une bande-dessinée magnifique même si elle n’est pas à mettre entre toutes les mains. Une beauté terrible dont vous vous souviendrez bien après l’avoir refermée.
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