Quand je pense à Chabouté, c’est d’abord le noir et blanc qui me vient à l’esprit. Et puis, un trait de crayon inimitable et détaillé. Chaque visage est expressif même dans les silences. Les personnages qu’il met en valeur sont pour la plupart des éclopés de la vie, des taiseux, voire des gens en marge. Parfois, leur aventure se termine mal, de manière âpre et brutale happés par une fin qui les dépasse et laisse le lecteur sonné. C’est pour ça que, je vous l’avoue j’avais un peu d’appréhension en commençant « Tout seul. »
L’histoire s’ouvre sur un phare perdu au milieu des flots. « Un navire de pierre immobile…. un bateau de granit qui ne tangue pas…il ne nous emmène nulle part…il n’accoste jamais… à bord d’un phare, on ne rejoint jamais aucun port… ». Toutes les semaines, un bateau accoste et deux marins – le capitaine aguerri et son employé embauché depuis peu – déposent des caisses d’alimentation. Dans le phare habite « Tout seul »depuis cinquante ans. Personne ne l’a vu mais on sait qu’il existe. Il est difforme et c’est pour cette raison que ses parents lui ont appris à fuir le monde. Pour lui tenir compagnie, il a un poisson prisonnier de son bocal et un dictionnaire. Tous les jours, il le fait tomber et lit la définition d’un des mots de la page sur laquelle il s’ouvre. Un jour, le matelot chez qui la solitude fait écho glisse un mot par-dessus les caisses. C’est une simple question mais elle fera basculer sa vie.
« Tout seul » parle de la solitude dans sa plus simple expression et tout ce qu’elle implique. C’est aussi un hommage aux mots et à leur pouvoir. Les mots du dictionnaire qui permettent l’évasion et aussi ceux qui couchés sur un papier glissé sur une caisse peuvent faire basculer un monde.
C’est pour moi une bande-dessinée magnifique. Et si vous voulez savoir le contenu du message que le matelot a écrit et surtout si mes craintes étaient fondées quant à la fin … Vous n’avez qu’à la lire. Et vous ne le regretterez pas !
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