Je vous avais déjà parlé de cette artiste pour laquelle j’ai eu un véritable coup de cœur à Thou bout d’chant. Aujourd’hui, j’aimerais vous parler de son album qui est une véritable pépite musicale à la fois de par les mots percutants et les nombreux univers musicaux et cette voix inimitable.

L’album s’ouvre sur « Action » qui était aussi la toute première chanson du concert et le tout premier clip que j’ai vu. Et ce n’est pas n’importe quelle chanson. Les mots sonnent comme des uppercuts. On est filmé, contrôlé et on se médiatise tant et tant que notre vie devient un vaste film. « Tu sors de chez toi. T’es filmé. Au parking, t’es filmé. Dans le métro, t’es filmé. Au travail, t’es filmé. A la banque, t’es filmé. Au resto, t’es filmé. Sur la route, t’es flashé. Partout, partout, t’es filmé. Sur le net, t’es épié, copié, imité. Et quoi qu’il arrive t’es engagé. Alors souris, ça sert à rien d’avoir peur ».

Avec « Mon nom est personne », Karimouche nous parle d’un nouveau western. Celui que vivent et qu’ont vécu ceux qui un jour ont débarqué en Europe et que l’on a traité comme s’ils n’étaient personne. Elle parle aussi des racines, que l’on emporte et qu’elle revendique. C’est une de mes chansons préférées de l’album.  « Cachée sous ma veste. Je n’veux plus être personne. Dans tout le Far-West. Je veux que mon nom résonne. »

Autre ambiance, autre style avec un sujet sur lequel beaucoup préfèrent détourner les yeux. Mais pas Karimouche qui met le doigt là où ça fait mal. Et c’est pour cela que je l’admire. Avec « Ma place au soleil », elle se fait la voix d’une prostituée qui se retrouve tout à coup chassée de la sécurité de sa maison close par les gens bien pensants et se retrouve tout à coup sur le froid du trottoir. « J’travaillais bien au chaud. Dans un salon très rococo. J’cotoyais la crème du gratin. J’aurais pu monter sur l’échelle. Terminer en bonne mère maquerelle. Mais les maisons closes sont closes. Et j’en connais la cause. J’pouvais en vouloir au grand capital. Mais je n’en veux qu’à la morale. »

Je me souviens que pour « La tête dans le guidon », on avait chanté et qu’on avait été tous contents. La chanson parle du fait que l’on fonce sans prendre le temps de réfléchir, d’essayer de comprendre. « Parfois, il faudrait qu’on s’arrête. Pour pouvoir reposer nos têtes. Pour enfin regarder en l’air. Et tout remettre en question. »

« Ki c’Ki MM » m’a mis une claque. Elle  est entière, puissante.  Les mots, le rythme, les images … Tout percute à l’image de Karimouche. « J’lis du Chamoiseau et du Bantou. De l’Africain qui trop longtemps s’est tu. J’ai de la « cause » pour des riens et des spasmes sur tout. Voilà mon amour mon CV … Qu’en dis-tu ? »

« Les mots démodés » est un tango tendre au son de l’accordéon. La voix de Karimouche se fait caressante et envoûtante pour réveiller les cendres d’une passion pas tout à fait éteinte. « T’écrivais des mots doux. Tu disais des mots tendres. Au premier rendez-vous. Je me suis laissée prendre. Tu me donnais du vous. Des mots de notre langue. Ils enlaçaient mon cou. Et j’adorais m’y pendre. »

« Dans la lune » parle de l’inspiration, de la peur de la page blanche, de la création. On irait presque jusqu’à la lune pour décrocher des idées quitte à en être distrait. « J’rêve quand même à demain. L’envie décrocher. Perdre ma gravité. Ne plus rien peser. Quitte à manquer d’air.  »

Une autre chanson qui me touche, « Princes et Princesses ». Avec sa plume toujours frappante, Karimouche tisse un fin parallèle entre l’univers des contes et celui des banlieues. De tous ces princes et princesses, ces anges déchus sur lesquels les regards se détournent. « Ce petit conte au cœur des flammes de mes quartiers. Où les princes se cachent derrière des vitres fumées. Dans leurs regards le reflet de carrosses cramés. Dans le dos des ailes mais ce n’est pas pour s’envoler. »

« La marche arrière » parle d’une grand-mère, des racines et de l’oubli. Et à travers cette grand-mère, le regard sur cette société qui refuse de donner leur place à ceux qui viennent d’ailleurs, qui préfère les ranger sur une étagère plutôt que de les regarder. « Elle me dit j’irai bien quelque part. Mais je n’sais même pas d’où je viens. Puis un sac ne dit pas quand il part ni quand il revient. »Ceux qui me connaissent peuvent deviner l’impact que la chanson a eu sur moi.

« Allo docteur » rend hommage à la noiraude qui parle de la raison qui se débine face à la société qui marche sur la tête, de George Clooney, de café, de créanciers. « Allo docteur, j’ai plus pieds, j’perds la tête, j’ai plus de taff, j’la ferme dans ma ferme. J’mentête et ça c’est laid. »

Question musique, on valse d’une ambiance à l’autre portés par des instruments de tous origines : guitares électriques, oud, Beatbox (le fantastique Kosh), percussions, platines, accordéon.

En bref, un superbe album percutant et engagé magistralement orchestré. Et à Karimouche qui demande qui l’aime ? Je répondrais : moi. Sans soucis.

Et pour conclure, le clip d’Action