Lorsque Gabriel, vieux monsieur un peu grincheux entend parler du tremblement de terre de magnitude 8,4 au Pérou qui causa la mort de 37 559 personnes, il compatit pour les victimes et passe à autre chose. Mais il ne se doute pas que cet événement va changer sa vie. Parce que du Pérou arrive Quinaya, une petite fille de quatre ans, frêle comme un petit oiseau que son fils Alain vient d’adopter.
Gabriel au début n’est pas trop jouasse. Parce que lui, les sentiments et la vie de famille ça lui fait un peu peur. Par contre, il n’a pas son pareil pour savoir au gramme près combien pèse un coeur. Normal, il a travaillé dans une boucherie pendant cinquante années de sa vie. Des journées passées les mains dans la bidoche et les pieds dans la sciure. Il n’a pas vraiment eu le temps de s’occuper de ses deux enfants. Il espérait que son fils reprenne l’affaire familiale. Mais voilà, son fils n’avait pas envie de « se salir les mains » et a repris des cours du soir. Tout ça pour avoir les mains dans la paperasse en permanence dans un cabinet d’assurance. Alors oui, il lui en veut un peu. Alors, vu que Qinaya est sa fille, il a envie d’être un peu distant avec elle histoire de se venger un peu. Et peu à peu, il se laisse attendrir.
Au début, ce n’est pas très facile. Lui, et sa femme Lynette ont leur petite routine de personnes âgées. Et puis, lui a son club des Gégés qu’il forme avec deux de ses potes qui tenaient un commerce comme lui dans la même rue que sa boucherie. Tous les trois font de la gymnastique avant d’aller rattraper les kilos perdus chez « Madame Boubou » qui tient un restaurant Sénégalais. Alors, quand son fils lui demande de garder Qinaya, il est un peu réticent. Lui, au contraire de Lynette qui redevient la mamie gâteau qu’elle a toujours été met du temps pour tisser les liens avec sa nouvelle petite fille venue du bout du monde. Hélas, une ombre plane sur cette adoption.
Cette bande-dessinée, c’est un petit rayon de soleil, un assemblage de petits riens qui font la tendresse. C’est doux, c’est beau mais jamais mièvre. A des moments, on sent les incompréhension et le ressentiment presque palpable entre le père et le fils. Un des amis de Gabriel a perdu sa fille trop tôt et regrette tout ce qu’il n’a pas pu lui dire. Et puis, il y a le mystère qui entoure Qinaya. Que s’est-il vraiment passé avant qu’elle arrive en France ? La fin du premier tome donne un élément de réponse qui nous laisse un peu sonné et en attente de la suite. Mais hormis ces deux facettes un peu plus sombres, on est ému par l’humanité qui se dégage des personnages. Il y a des passages tellement beaux qu’ils m’ont laissé la gorge nouée et les larmes au bord des yeux. Ce monsieur ronchon qui apprend à être grand-père alors qu’il ne s’est pas occupé de ses enfants. Il y a aussi les mots dont la tendresse les rend presque poétiques. Par exemple à l’arrivée de Qinaya : « Quand tu as vu tous ces gens dans le hall de l’aéroport, des larmes te sont venues. Trop d’amour. Trop d’amour d’un seul coup, je veux dire. Trop d’amour tout court ? Qui inventera une échelle pour mesurer l’amplitude des émotions dans le coeur d’une petite fille de quatre ans ? » Ou encore quand Gabriel discute avec ses copains « Parfois je me demande … Tout cet amour qu’on n’a pas donné. Qu’est-ce qu’il devient ? Je veux dire … Personne n’a jamais pensé à installer des conteneurs pour le recycler ? Vous savez ? Comme pour les piles ou les vieux papiers. »
Pour ce qui est du graphisme, il est lumineux et doux. Parfois, on a des vignettes muettes où l’émotion qui se dégage se passe des mots. La vieillesse est représentée sans fausse pudeur ni tabous. Les autres personnages aussi sont ronds ou secs mais toujours pétillants.
Pour résumer : Qinaya est une bande-dessinée humaine et douce que je vous recommande vivement en attendant le deuxième volume qui vient juste de paraître.
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