Au cœur de la sérénissime Venise, Don Lope de Villalobos y Sangrin, un loup et son compère renard Armand Raynal de Maupertuis flânent parmi les troupes de théâtre quand soudain leur parviennent les sanglots d’un père éploré dont l’enfant unique a été fait prisonnier sur une galère turque. N’écoutant que leur courage, les deux gentilshommes n’écoutant que leur courage s’élancent pour le sauver. Mais les apparences sont fort trompeuses et les deux amis, à défaut d’avoir porté secours à un fils prodige se retrouvent les chanceux possesseurs d’une bouteille renfermant une carte au trésor. C’est pour eux le début d’une fabuleuse aventure qui les mènera jusqu’à des contrées contrées inconnues et même aux Etats et Empires de la lune où vit un étrange maître d’arme.

Vous l’aurez compris, De cape et de crocs est une bande-dessinée d’aventure mais il serait bien triste et réducteur de la limiter à ce genre là.

C’est aussi un hommage au théâtre. Chaque tome est qualifié d’acte. Les situations sont théâtralisées au possible. Les personnages communiquent par des vers. Et certaines figures semblent tout droit sorties de la commedia dell’arte. On assiste à la création de nombreuses pièces en tous genres : mimes, opérettes, marivaudages … Parfois, les pirates font figure de coryphée à l’image des tragédies antiques et on aperçoit parfois les envolées narratives d’un deus ex machina.

C’est aussi une célébration du langage et de la poésie. On se bat à coups d’éloquence pour gagner les duels, on rime en alexandrins pour montrer sa bonne éducation et on fait étalage d’un bon nombre de figures de style. Et on n’hésite pas à couper à l’hémistiche. C’est la seule bande-dessinée dont les commentaires parlaient de césure ou de litote.

C’est aussi un trésor de citations littéraires, cinématographiques et même picturales. De nombreux univers sont représentés. On ne les voit pas toutes au premier coup d’oeil et c’est un vrai plaisir de parcourir de nouveau la série pour les retrouver.

Les dialogues sont percutants et drôles. Tous sont très bien trouvés et fusent comme des répliques de théâtre. Quant au personnages, on trouve comme par magie les grandes figures littéraires : les héros, les promises, les intrigants, les antagonistes, les vieux grigous … et bien d’autres encore. Les personnages principaux sont attachants à souhait (surtout le lapin qui est trop mignon).

Au début, j’ai été un peu rebutée par les graphismes mais au fil du temps (dès le tome deux) les traits se sont considérablement affinés. Au fur et à mesure que l’aventure avance, des paysages sublimes et oniriques se dévoilent à l’image d’un magnifique voilier voguant vers … chut, pour le savoir, il faut que vous lisiez.

De Cape et de crocs est une série voire ma série de bande-dessinée préférée. Parfois, je la ressors rien que pour le plaisir de relire certains dialogues.

Pour conclure, je ne dirais qu’une seule chose : « Carne y sangre ! »