Elles se surnomment Lady Di, Catherine Lara, Dalida, Beyonce ou encore Brigitte Macron. Des pseudonymes qui leur confèrent quelques lambeaux de rêve pour échapper un peu à l’horreur de leur quotidien. A l’Envol, centre d’accueil de jour, elles peuvent dormir, discuter, prendre une douche, oublier la rue quelques heures. Ce sont elles, les invisibles. Des femmes qui, un jour ont vu leur quotidien basculer et se sont retrouvées sans domicile fixe. Elles sont des touts âges et de toutes origines sociales. La misère n’a pas de visage défini. Autour d’elles, des barrières se dressent. Dans la rue, on met des piques et des barrières sur les bancs pour les empêcher de se reposer quelques instants. Et quand elles se regroupent dans des abris de fortune, on les expulse en invoquant la loi. Les pouvoirs publics les ont rendues « invisibles ». Cachées, effrayées, vulnérables, elles se cachent la plupart du temps pour éviter les agressions. La nuit, elles deviennent des proies, ne pouvant pas trouver la sécurité des foyers de nuit bondés où elles craignent d’être violées et dépouillées de leurs biens.
A l’Envol, elles se posent un peu. Les femmes qui s’en occupent font leur possible pour leur venir en aide. Elles déplorent de ne pas pouvoir accompagner leur protégées autant qu’elles le voudraient et souffrent énormément de cet état de fait. Et puis, arrive l’inéluctable. Une annonce vient tout bouleverser : le centre d’accueil va fermer pour faute de moyens. Le choc est odieux, brutal. Les femmes vont se retrouver abandonnées une fois de plus au nom de la sacro-sainte économie. Mais les femmes de l’Envol veillent. Elles veulent accompagner, porter à bout de bras ces femmes jusqu’au bout. Alors elles organisent des ateliers et mettent en place un dortoir improvisé à l’étage. Le but est de rendre leur dignité à ces abandonnées de la société.
Les « invisibles », c’est avant tout des magnifiques portraits de femmes. La plupart d’entre elles ne sont pas des actrices mais les véritables pensionnaires de l’Envol qui se trouvent dans une extrême précarité. Les traits marqués, mais le regard fier, elles témoignent, nous interpellent. Nous les accompagnons dans leur quotidien, leurs vies qu’elles transportent dans des immenses sacs ou dans des tentes. Nous voyons le monde qui leur ferme les portes et les exclue. Dans une autre vie, elles étaient comptables, psychologues, professeures, assistantes sociales … Mais elles sourient, elles vivent, et elles sont belles.
Nous voyons aussi celles qui les aident, harassées par la fatigue et par la déception de ne pas avoir assez de moyens, mais aussi leur pugnacité, et leur volonté de venir en aide même si cela implique de détourner la loi.
Les « invisibles » secoue mais dans le bon sens. Le film montre que parfois, la loi peut être un facteur d’exclusion quand elle s’attaque aux plus vulnérables d’entre nous. Il montre aussi comment le capitalisme forcené précarise et broie ses victimes jusqu’à les rendre « invisibles ». Il montre aussi le cruel manque de moyen des structures aidantes. Il y a heureusement beaucoup de touches d’humour. Mais on est très souvent heurté par les horreurs du quotidien que traversent toutes ces femmes. La fin du film est en demi-teinte, mais elle est extrêmement touchante. On ressort du film avec les larmes aux yeux mais avec le sourire, et avec un autre regard sur notre société.
Ces femmes « invisibles », ces femmes que la société cache apparaissent au grand jour. Elles sont là, présentes , vivantes et dignes. Et sur elle, les regards ne se détourneront plus.
Bonus : La bande-annonce. En complément : un article de Libération.
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