Autant vous prévenir maintenant : Songs of our native daughters est un album exceptionnel. D’ailleurs, il est beaucoup plus qu’un simple opus musical dont le but premier serait de divertir. Songs of our native daughters est un témoignage historique porté par quatre artistes magnifiques : Rhiannon Giddens, Amythyst Kiah, Leyla McCalla et Allison Russell. Toutes les quatre sont les héritières des Femmes Africaines qui ont subi l’Esclavage, la ségrégation raciale, la misogynie et les brimades inhérentes à leur sexe.
Le projet prend corps lorsque Rhiannon Giddens et sa fille visitent le Musée de l’Histoire et Culture Afro-Américaine à Washington et tombent sur une strophe d’un poème satyrique : « Je l’admets, l’esclavagisme me rend malade… mais je dois me taire, parce qu’on ne peut pas vivre sans sucre ou rhum ». Une phrase cynique et égoïste dont l’écho se répercute encore aujourd’hui. On ferme les yeux sur l’exploitation des êtres, la destruction du climat, la perte des valeurs tant que l’on peut disposer d’un confort illusoire et du matériel de dernier cri dont on n’a pas réellement besoin . Ce cynisme ne manque pas d’attirer l’attention de Rhiannon Giddens qui contacte son producteur. Le projet est né. Pour le nommer, elle s’inspire du livre de James Baldwin, Notes of a native son écrit en 1955.
Rhiannon Giddens fait alors appel à sa complice de toujours Leyla McCalla qui a tourné avec elle dans le groupe Carolina Chocolate Drops, Amythyst Kiah qui est une jeune auteure/compositrice/interprète de blues qui a une voix de contre-alto exceptionnelle et Allison Russell qui fait partie du groupe Birds of Chicago. Les quatre jeunes femmes sont des artistes virtuoses qui peuvent tout interpréter. Commence alors un travail de recherche et de mémoire pour la rédaction des textes. Pour cela, elles s’inspirent de témoignages, de chants et d’histoires du 16ème au 19ème siècle qui parlent de l’esclavage et de la ségrégation raciale dont chacune d’entre elle porte l’héritage.
Pour accompagner ces chants, elles choisissent le banjo, un instrument d’origine africaine, symbole de leurs racines et de l’esclavage. Elles utilisent aussi leurs instruments de prédilection : la clarinette, le violoncelle ou le violon.
Certaines chansons sont lourdes de tristesse comme « Mama‘s cryin’ long » qui porte le témoignage d’une petite fille qui voit sa mère persécutée par son maître ou « Barbados » qui contient le poème dans lequel on détourne les yeux sur l’horreur de l’esclavage au profit du « confort » .
D’autres chansons parlent de ségrégation. Une ségrégation d’abord raciale subie au nom de la couleur de peau (« Black myself ») qu’on retrouve au niveau de l’éducation (« Better Git yer leanin’). La ségrégation se fait aussi au niveau du sexe (« I knew I could fly » et « Polly‘s Ann Hammer).
Songs of our native daughters célèbre aussi les Racines. Les quatre artistes se font héritières et portent haut la voix de leurs ancêtres. « Quasheba, Quasheba » célèbre une ancêtre Ghanéenne qui arriva en Amérique dans un bateau négrier. « Lavi difisil », renoue avec la tradition des chansons créoles.
Des chansons célèbrent la joie malgré tout, celle de chanter et de danser (« Music and joy ») même dans les situations les plus désespérées, même si les fers aux pieds mordent cruellement les chevilles (« Moon meets the sun »).
D’autres chansons appellent à l’Unité alors que l’administration Trump dispense un horrible discours clivant (« Blood and Bones »). La musique rassemble au delà des frontières (« You’re not alone »).
Songs of our native daughters est un album exceptionnel car il rassemble quatre femmes, quatre artistes, quatre héritières, quatre mères ou sœurs, quatre amies dont on sent la complicité dans chacune des chansons.
Songs of our native daughters est plus qu’un simple album : c’est un miroir tendu aux générations futures. Un miroir qui appelle à la réflexion et à l’unité. C’est un témoignage émouvant, poignant et magnifique dont l’écoute vous laissera ému et transformé.
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